Interview d’une danseuse du Crazy Horse

    La semaine dernière j’ai invitée au Crazy Horse, ce lieu parisien emblématique, mythique, que je peux désormais après mon expérience vécu le temps d’une soirée, qualifier de temple de la sensualité et de la féminité. Honnêtement, avant de m’y rendre je dois vous avouer que j’avais une image pas très claire et surtout mystérieuse de cet endroit. En l’occurrence, dans mon esprit le Crazy Horse rimait avec nudité à outrance et vulgarité avec un show basé sur l’instrumentalisation des corps de la femme. J’étais dure n’est-ce pas ? 

    Autant de négativités sur un lieu que je ne connaissais que de nom… Incroyable ! C’est bien connu, il ne faut pas juger un livre à sa couverture et maintenant j’ajouterais de ne pas se faire une opinion sur un lieu jamais visité !

    Donc, jeudi soir, j’ai laissé mes préjugés à la maison pour m’aventurer au sein de ce fameux Crazy Horse. Flashback. À 18h30, je rencontre l’adorable Lola, chargée de communication du Crazy Horse qui me fait visiter le lieu tout en me racontant son histoire.

    Ouvert en 1951 dans un lieu qui fut autrefois une cave à vins, le Crazy Horse nous projette dans une époque passée. L’atmosphère régnante, la décoration, l’agencement… Nous faisons un réel saut dans les années 50.  Je découvre la salle du show, seulement composée de 250 places je me rends alors compte que c’est un petit cabaret, loin de ce que je pensais. De ce fait, il y règne une ambiance intimiste toutefois bien plaisante. La scène est très proche des sièges rouges bien confortables des spectateurs. Ça y est j’ai trop hâte de voir le show, de voir le tout animé, patience, le tour de visite se poursuit…

    J’aperçois des grands tableaux. Je m’approche de plus près, l’un liste les noms des visiteurs les plus connus du cabaret, mon regard se pose sur les noms qui me sont évidemment bien familiers : Elvis Presley, Prince, Diana Ross, le président Kennedy, Mohamed Ali… Il serait long de lister tous les noms que j’ai repéré. Tout d’un coup j’imagine cette salle avec 40 années de moins et toutes ces personnalités. Cela ajoute un je ne sais quoi de magique ! On peut constater que 60 ans après sa création par Alain Bernardin, le Crazy Horse traverse les générations, avec cette aisance de toujours fasciner, entretenir une certaine magie qui  attire des personnalités et curieux du monde entier. Il y a peu de temps, c’est le couple le plus glamour de l’industrie musical, Jay Z/Beyoncé qui a fait un stop au Crazy Horse. Je vous reparlerai d’eux un peu plus tard dans cette article… Un autre tableau attire mon attention, encore des noms, beaucoup de noms, cette fois-ci y figure ceux des danseuses qui se sont succédées au fil des années. J’apprends à cet instant que la majorité des danseuses sont françaises, moi qui pensait qu’elles venaient, je ne sais pas pourquoi, quasiment toutes de l’étranger. Chaque année le Crazy Horse reçoit plus de 500 candidatures spontanées de danseuses, rien que ça ! Vous l’aurez compris, intégrer ce cabaret est donc un prestige.

    Après un tour, fort intéressant, nous quittons l’espace où se déroule chaque soir le show d’une heure et demi. Nous entrons dans les coulisses puis  dans une petite pièce privée. L’intérieur est cosy, chaleureux, les lumières tamisées, on s’y sent presque comme chez soi.. Il y a plusieurs miroirs, c’est glamour. C’est alors qu’une danseuse nous rejoint. J’en profite pour lui poser des questions afin de comprendre l’univers d’une danseuse du Crazy Horse.

    • Pouvez-vous vous présenter s’il vous plaît ? 

    Alors je suis Foxy Comedy. J’ai intégré le Crazy Horse l’été dernier. J’ai débuté mon parcours de danseuse par de la danse classique, j’ai fait 10ans de conservatoire, dans un premier temps à celui de Toulouse  puis à celui de Paris. Lorsque j’ai terminé mon cursus je me suis prise de passion pour les cabarets et en particulier le Crazy Horse. J’ai voulu me décoller de l’étiquette  du classique pour évoluer vers un autre autre univers. J’ai tenté ma chance avec une audition au Crazy Horse en juillet qui fut réussie puisque j’ai été sélectionnée, j’ai commencé à jouer en Octobre. Je suis toute nouvelle dans la famille !

    • Quels sont justement les critères de sélection pour devenir une danseuse du Crazy Horse ? 

    Ils sont très précis. Tout d’abord concernant la taille il faut impérativement mesurer  entre 1m68 et 1m72 afin d’avoir une certaine homogénéité sur scène. Un corps harmonieux et surtout naturel c’est indispensable, aucune opération de chirurgie esthétique n’est acceptée.

    • En moyenne combien de temps reste une danseuse au sein de l’établissement ? 

    Cela dépend du vécut de chaque fille. Nos parcours ne se ressemblent pas, certaines vont rester 4 ans, d’autres 5 ans tandis que d’autres sont des Crazy Girls depuis 9 ans, 14 ans…!

    • Quelles sont les qualités d’une bonne danseuse ? 

    Avant tout c’est de posséder une forte personnalité, pour l’affirmer sur scène, véhiculer une forme de charisme. Il faut aussi être très technique et c’est pour cela que nous venons presque toutes du classique, c’est important pour l’harmonie du spectacle.

    • C’est pour l’interprétation d’un personnage que l’on vous attribue un pseudo, incarner une autre personne sur scène ?

    Oui tout à fait ! On nous attribue un nom à la fin de la formation d’entrée, c’est à ce moment que l’on s’empare de notre identité de Crazy Girl qui nous suivra tout au long de l’aventure. On nous l’attribue en fonction de notre personnalité.

    • Que signifie le votre, Foxy Comedy ?

    C’est une sorte de comédienne caméléon qui a plusieurs palettes d’interprétations. Une capacité a incarner plusieurs expressions. Je suis très fière de ce nom qui m’ouvre plusieurs champs d’expressions.

    • Il y a des codes/ règles liés à la beauté, qui vous sont  imposés au quotidien ?

    Au début de la formation nous obtenons une leçon avec notre show manager, dont le but est de nous mettre en valeur le plus possible. Elle nous guide, pour trouver ce qui nous est adapté afin d’atterrir sur un bon maquillage. La boucle rouge crazy est la base de chaque maquillage, pour  le reste chacune fait selon ses goûts. Pour contrer la forte lumière scénique, nous accentuons le maquillage de façon bien prononcé, le regard est intense et prolongé grâce à des faux cils, le smoky fait des ravages et est un classique pour accompagner n’importe quel look de soirée. Mais il convient d’alléger la bouche si on mise beaucoup sur le regard.

    Aux pieds, nous portons toutes des escarpins Christian Louboutin. Cette collaboration avec le chausseur fait parti intégrante des codes de la maison. Le show dure 1h30, la douleur aux pieds est une habitude c’est comme les pointes en danse classique. Les talons renforcent notre allure, notre prestance, c’est la touche féminine par excellence. Pour les femmes qui veulent porter de hauts talons, je vous conseille de débuter avec une petite taille basse de talons et d’évoluer progressivement pour plus de centimètres, plus de hauteur. Ce qui rend le talon beau c’est de bien savoir marcher avec. Toute est une question d’habitude, le pied sera à l’aise avec le temps.

    • Et pour les coiffures, portez-vous des perruques tous les soirs ?

    Cela dépend des tableaux de danses, on peut les garder tout le long ou  commencer avec et finir sans. C’est un accessoire comme un autre, en l’ôtant  sur scène nous dévoilons les femmes que nous sommes réellement.

    • Des détails sur votre hygiène de vie ?

    Pour le sport, à côté de la danse je me remets totalement au pilate (une méthode de gym douce très accessible). C’est une bonne activité pour soulager le dos et renforcer les muscles. Sinon, une alimentation correcte est vraiment essentielle pour apporter au corps tout ce dont il a besoin.

    La danseuse Foxy Comedy

    La danseuse Foxy Comedy

    • Votre définition de la sensualité?

    Ma définition c’est tout simplement : Le show du Crazy Horse !  A lui seul il résume parfaitement ce mot !  A la sortie du spectacle de ce soir, vous comprendrez pourquoi. C’est la femme qui s’assume, qui assume son corps. Le maquillage, les vêtements, les talons, tout cela y contribue. Tous ces éléments font que l’on atteint le paroxysme de la sensualité.

    • Avez-vous des conseils pour les femmes qui souhaiteraient être plus sensuelles avec leur homme mais qui n’y arrivent pas ou n’osent pas ?

    L’important c’est d’assumer son corps ! On trouve toujours quelque chose qui ne va pas mais dès que l’on décide de l’assumer, on dégage une dégaine, une allure qui change tout ! Une femme complexée se recroquevillera sur elle même. S’assumer change le regard et la posture dans n’importe quel habit même en jogging, et cela l’homme le voit forcément.

    • Dans un passage de la chanson Partition de Beyoncé, une voix française prononce la phrase suivante  » Les hommes pensent que les féministes n’aiment pas le sexe? »  Etre féministe et sexy est-ce contradictoire ? Qu’en pensez-vous ? 

    Oui ! Justement sur scène nous montrons les deux !  Nous avons le pouvoir, nous sommes sensuelles avec quelques gestes pour le jeu, le tout sans aucune vulgarité avec tout de même une certaine forme de pudeur et de respect, et puis du haut de notre scène nous sommes intouchables…

     Une demie heure est passée, Foxy Comedy doit  finir sa préparation pour le show qui débutera dans peu de temps. Je capture ce cliché avant qu’elle ne s’en aille. Voyez donc cette grâce dans sa posture, j’adore ! Elle a posé avec une simplicité qui prouve qu’elle connaît son corps, ce qui la met en valeur, elle est totalement dans le confort et pleine d’assurance. 

     Plus haut, je vous parlais du couple Beyoncé/Jay Z. Dans un premier temps ils sont venus assister au show, puis Beyoncé à carrément tourné une partie de son clip Partition au sein du Crazy Horse. Pourquoi a-t-elle choisi ce lieu? Comment s’est déroulé le tournage? Sylvia Reissner responsable de la communication du Crazy Horse a accepté d’apporter les réponses à mes interrogations. 

    Sylvia : Beyoncé a eu un coup de foudre pour le spectacle du Crazy Horse lorsqu’elle est venue assister au show un soir à l’occasion de la celebration d’un événement intime entre son homme et elle. Suite à cela, elle a voulu incarner une danseuse du crazy horse et ce à travers un clip pour son mari avant tout.

    •  Qui a guidé  Beyoncé pour sa chorégraphie, son équipe ou la votre ?

    Elle a été influencée de plusieurs façons. Avant le tournage elle avait déjà vu spectacle, des membres de son équipe aussi. Pour préparer le tournage elle a visionné pas mal de vidéos, elle avait une idée très précise de ce qu’elle voulait reproduire. Elle avait bien entendu son chorégraphe, notre show manager et nos danseuses pour lui montrer certains mouvements. Elle n’a pas copié les gestes à l’identique mais elle s’en est fortement inspirée. C’est une personne qui se prépare de manière incroyable, justement en regardant des mouvements elle arrive à les reproduire avec sa propre personnalité. C’est bluffant de la voir travailler.

    • A l’entrée de l’établissement, j’ai aperçu un écran qui projetait des visuels des danseuses. Une d’elles portait un bonnet en perles similaire à celui de Beyoncé dans le clip. Vous lui avez fourni les bijoux, accessoires, la lingerie?  

    On lui a prêté ce bonnet pour la scène avec le miroir. Dans le clip elle porte des choses qui nous appartiennent comme des siennes, elle a fait un véritable mix stylistique ! Bien sûr, le but recherché était de se rapprocher des looks de nos danseuses. Elle avait à sa disposition une pièce pleine d’affaires.

    • Le passage de Beyoncé au Crazy Horse, a t-il eu un impact positif pour le cabaret ? 

    Tout le monde ne sait pas qu’une partie du clip a été tournée ici. Mais ses fidèles fans eux, le savent très bien ! Après les concerts au Stade de France, nombreux sont ceux  venus découvrir l’endroit et donc le lieu de tournage de certaines scènes de Partition.

    • Lorsque le clip est sorti beaucoup ont reproché à l’artiste de véhiculer une image très sexy et sulfureuse…

    Comme l’a dit Foxy Comedy, on peut très bien être féministe et sexy ! Dans son clip elle renvoie l’image d’une femme forte, sensuelle et simplement à l’aise en tête à tête avec son mari.

    • Parlons-en de la posture Jay Z. Je trouve que dans Partition il a un rôle de pacha, cigare à la bouche, femme à moitié nue devant lui, il dégage une image typique du mâle dominant. Les hommes qui viennent au Crazy Horse, sont-ils dans cet état d’esprit ? 

    Non pas du tout ! Tout d’abord il est interdit de fumer donc pas de cigarettes, pas de cigares! Pour le clip c’était permis grâce à une licence artistique seulement le temps du tournage. Ensuite, les hommes qui viennent sont en majorité accompagnés de leur épouses/fiancés/copines et ont une attitude totalement respectueuse. Et sachez que c’est leur compagne qui les poussent à venir ici. Même dans ce sens là c’est elles qui ont le pouvoir. « Chéri et si  on allait au Crazy Horse? » cela se passe souvent  ainsi, et évidemment les hommes ne refusent jamais ! C’est un plaisir pour tous. Ceci dit, il y a aussi des femmes qui viennent entre amies, des hommes pareils, entre eux. Vous verrez le public tout à l’heure, il n’y a aucune frustration, comme disait Foxy Comedy, on regarde, on ne touche pas! C’est juste de la contemplation artistique.

    • Pourquoi les femmes aiment-elles assister au Show?

    Le Crazy Horse est une célébration de la femme,nous avons besoin de voir cette mise en valeur, toutes les facettes de la féminité, le show plaît énormément au public féminin. Et puis nous avons des collaborations très pointues, comme celle avec Christian Louboutin qui fait rêver toutes les femmes. Il y a en fait, toute une série d’éléments qui appelle de manière naturelle le public féminin.

    • Sur une des tables, de la pièce privée où nous sommes, se trouve un portrait de Noémie Lenoir. Pourquoi? 

    C’est une des guest stars que nous avons eu pour le show. Nous devons ce concept à notre directeur général. La première célébrité que nous avons invitée était Dita Von Teese. L’idée c’est que pendant une semaine l’invitée, qui est une femme d’exception,fait son show sur scène en apportant sa  touche qui leur est propre comme par exemple du chant. Arielle Dombasle et Conchita Wurst, femme d’un nouveau genre, figurent également sur notre guest liste.

    • Je découvre ce soir, le Crazy Horse comme un véritable temple de la séduction et de la féminité. Avez-vous déjà pensé à proposer des cours particuliers pour les femmes qui aimeraient  apprendre certains de vos codes ? 

    Oui, on y réfléchi. Nous avons senti l’intérêt des femmes pour ce type de prestations. D’accéder à tout ce qui fait la magie du Crazy Horse, les secrets de séduction.Nous avons vraiment des codes très esthétiques et précis qui nous sont propres tels que la gestuelle, le maquillage, les coiffures. C’est d’ailleurs pour cela que l’on reconnait lorsqu’un artiste s’inspire de la maison comme ce fut le cas dernièrement du  clip Earned It de The Weekend pour  la BO du film 50 Nuances de Grey, l’équipe de réalisation s’est clairement inspirée du Crazy Horse, on se croirait dans le cabaret en visionnant la vidéo.

    • Avez-vous trois raisons à citer pour inciter mes lectrices à vous rendre visite ? 

    J’en ai qu’une seule : vous allez être charmées par le spectacle. Pendant 90 minutes vous allez être transportées dans un univers parallèle,  vous allez rêver, vous évader, piquer des inspirations et surtout passer un très bon moment.

    Crédit photo : Antoine Poupel

    Crédit photo : Antoine Poupel

    Après ces deux interviews, j’ai pu assister au show en compagnie d’une amie. C’était canon !  Nous avons passés un excellent moment. Au début du show, les danseuses apparaissent en soldats sur scène. Le ton est donné d’entré, c’est elles qui commandent la soirée.Les tableaux s’enchaînent, chacune des danseuses fait son propre numéro, entre des moments où elles se retrouvent en duo, trio, ou quatuor. Mon tableau favori, représentait un ballet, sur les pointes, les danseuses étaient vêtues de culottes hautes glamours et vintages à souhait, j’ai trouvé cela ultra artistique.Les éléments s’associaient à merveille, une image innocente et rêveuse de danseuse étoile, la femme forte et droite en équilibre sur les pointes de ses orteils, et émancipée de par sa poitrine dévoilée avec liberté simpliste.

    J’ai aussi aimé un autre tableau. Celui d’un couple homme/femme totalement habillés je le précise, qui se donnait des tapettes , bleus et marques aux visages. La femme rendait à l’homme coup pour coup. Evidemment il y avait une place à l’artistique car les deux danseurs reproduisaient des pas et des mouvements synchronisés avec humour. La morale de cette scène est que la femme est à la hauteur de l’homme, les deux sont égaux. Ou plus, puisque c’est elle qui a porté le dernier coup !

    Ce tableau prouve et démontre que j’avais tord.Le Crazy Horse porte la femme sur un piédestal, c’est elle la patronne, son corps lui appartient, elle dévoile les parties qu’elle souhaite avec subtilité. Concernant mon soupçon de vulgarité sur le show, et bien j’ai été surprise de voir n’existe pas, pas du tout ! Les corps des danseuses sont beaux et harmonieux . Il n’y a pas de  poitrines ou fesses disproportionnées, ce n’est pas un club de strip tease, loin de là. Les lingeries qu’elles portent, on reverrait toutes de les posséder. Roberto Cavalli, Antoine Kruk, Hervé Leroux, ont signés des tenues sur mesures pour le Crazy. Les différentes paires de chaussures Christian Louboutin attrapent notre regard plus d’une fois, les musiques des tableaux sont de tous styles, certaines ont été signées par l’incontournable Swizz Beatz.

    Crédit photo : Antoine Poupel

    Crédit photo : Antoine Poupel

    J’ai été ravie de voir ce show « désir » signé Phillipe Decouflé et Ali Mahdavi ! Merci à Foxy Comedy, Lola Michel, Sylvia Reissner et au Crazy Horse pour cette expérience qui fut enrichissante et passionnante.

    N’hésitez pas à visiter le site www.lecrazyhorseparis.com pour plus d’informations, notamment pour le programme et à rejoindre la page facebook LE CRAZY HORSE PARIS pour suivre toutes les actualités du cabaret en live.

     

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